ON CROIT QUE SELON LE DÉSIR...
On croit que selon son désir on changera autour de soi les choses, on le croit parce que, hors de là, on ne voit aucune solution favorable. On ne pense pas à celle qui se produit le plus souvent et qui est favorable aussi : nous n’arrivons pas à changer les choses selon notre désir, mais peu à peu notre désir change. La situation que nous espérions changer parce qu’elle nous était insupportable nous devient indifférente. Nous n’avons pas pu surmonter l’obstacle, comme nous le voulions absolument, mais la vie nous l’a fait tourner, dépasser, et c’est à peine alors si en nous retournant vers le lointain du passé nous pouvons l’apercevoir, tant il est devenu imperceptible.
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Marcel Proust, Albertine disparue ou La fugitive (La fuggitiva o Albertine scomparsa, Alla ricerca del tempo perduto, VI, p.38):
“Si crede che si potranno mutare a piacere le cose intorno a noi; lo si crede perché, fuori di questa, non si scorge nessun’altra soluzione favorevole. Non si pensa a quella che più spesso si avvera e che è, anch’essa, favorevole: noi non riusciamo a mutare le cose conforme al nostro desiderio, ma poco a poco il nostro desiderio muta. La situazione che desideravamo mutare perché insopportabile ci diviene indifferente. Non abbiamo potuto sormontare l’ostacolo, come volevamo assolutamente, ma la vita ce lo ha fatto aggirare, oltrepassare; e facciamo fatica allora, se, volgendoci verso le lontananze del passato, riusciamo a scorgerlo, tanto è diventato impercettibile”.